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Les aventures d'un mot d'amour

 

    Un mot d’amour se promenait un jour dans une forêt de phrases assassines, de propos pervers et de poncifs haineux. En cette forêt sombre, nul parfum de tendresse, nul souffle de joie. Car les petits mots d’amour qui s’y trouvaient jadis, privés de la lumière qu’arrêtaient maintenant les grandes oraisons feuillues, avaient perdu leurs pétales. Leurs lettres gisaient à présent séparément sur le sol spongieux où pourrissaient de vieilles feuilles esseulées et tristes. Alors le mot d’amour se dit : « Peut-être devrais-je quitter cette forêt au plus vite. C’est dangereux ici. Peut-être m’arrivera-t-il la même chose à moi. Je me retrouverai seul et perdu, prisonnier de ces ombres malfaisantes. Dans le paysage d’où je viens, tout n’est que beauté au parfum de rose, au goût de miel. Tout n’est que lumière, joie et tendresse. Pourquoi suis-je venu me perdre en cet endroit sinistre ?

 

    Le mot d’amour décida donc de repartir. Mais de puissants vents se mirent à souffler contre lui, l’empêchant ainsi d’avancer. Un orage éclata. Les éclairs furibonds étaient si puissants et si nombreux qu’ils changèrent la nuit de la forêt en jour lumineux et enflammèrent la cime des plus hauts arbres. Tout tremblant, le mot d’amour se crut perdu. Quant tout à coup, surgie d’un éclair, lui apparut une forme vaporeuse, sans visage, aux contours imprécis, exhalant un parfum divin. Sa voix mélodieuse, chantante comme une rivière de printemps, le rassura : « Ne crains rien et reste. Il ne t’arrivera rien si tu ne crains point et si tu fais ce que tu es censé faire. Si tu remplis ta mission en cette forêt où tu te trouves maintenant. Car la mission d’un mot d’amour n’est pas de se chanter là où vivent paisiblement d’autres mots d’amour, mais de se rendre là où des milliers de leurs semblables se sont endormis de peur ou de chagrin, puis de les réveiller. Regarde toutes ces pauvres lettres éparpillées dans la boue… N’aimerais-tu pas les réveiller ? N’aimerais-tu pas naviguer avec elles au grand bal de la poésie ? Je suis ta muse. Je t’inspirerai. Je te dirai comment te dédoubler, et puis te dédoubler encore, jusqu’à ce que tes clones et toi vous soyez tellement nombreux que vous puissiez former des vers. Je te dirai où te placer pour composer de jolies rimes dont le chant sera si beau et envoûtant qu’il réveillera les âmes de tes frères éparpillés dans le vent des soupirs. Alors tu sauras. Tu comprendras que tu te trouves bien là où tu dois être. Tu seras heureux d’avoir ramené la joie, tout en exprimant toi-même ta raison d’être.

 

   Aussitôt après ces derniers mots, la forme disparut, ainsi que la vive lumière qui l’accompagnait. Le mot d’amour se retrouva dans l’ombre, cerné des phrases assassines, des propos pervers et des poncifs haineux qui semblaient vouloir le retenir en leurs bras cupides et se resserrer pour mieux l’écraser de leur arrogance. Mais le mot d’amour n’avait plus peur. La muse l’avait réconforté et convaincu. Pour lui, ces ombres maléfiques n’étaient rien de plus, désormais, que des illusions inoffensives, sans aucun pouvoir sur les mots d’amour qui croient encore à l’amour. Il guetterait sa muse, l’écouterait, et avec son aide, réveillerait les pauvres lettres pour un temps endormies par la peur, le chagrin ou le doute.

Demain, il valserait gaiement avec les mots rétablis, sur les rimes d’un poème divin ou sur les notes d’une chanson angélique.

 

Martine PV

 

 



25/10/2017
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