L'homme d'affaire et le sage
Un homme d'affaire solitaire et taciturne, qui fuyait comme la peste la compagnie des autres, jugeant tout un chacun méchant, égoïste et stupide, rencontra sur son chemin, un jour d'hiver, un sage qui s'en revenait de parcourir le monde, vêtu d'une simple tunique qui le couvrait à peine.
Au moment où il croisa ce dernier, il fit tomber son portefeuille, fait qui restera pour lui à jamais incompréhensible, étant donné qu'il tenait toujours fermement l'objet de ses doigts crispés, dans la poche de son manteau.
Plus rapide que lui, le sage se pencha aussitôt, le ramassa tranquillement et le tendit à son propriétaire avec un sourire généreux. Surprenant le regard inquiet de l'homme d'affaire, le sage lui demanda, l'œil pétillant de malice :
- Avez-vous pensé que j'allais m'enfuir avec votre argent, Monsieur ?
Rouge de confusion, l'homme nia en bafouillant :
- Non...non...
Coupant court à son embarras, le sage lui demanda, désignant de la main un banc à proximité :
- Voulez-vous vous asseoir quelques instants en ma compagnie et discuter un peu avec moi ?
Tout embarrassé qu'il était encore d'avoir soupçonné à tort un homme honnête qui avait simplement voulu se montrer serviable, l'homme d'affaire n'osa refuser et prit place à côté du sage.
Un vent cinglant se leva. L'homme d'affaire se mit à frissonner et eut pour réflexe de rentrer la tête dans ses épaules, tout en remontant le col de son manteau, tandis que le sage restait parfaitement droit et immobile, son visage irradiant un bonheur serein.
Bien que peu habitué à s'enquérir du bien-être d'autrui, l'homme d'affaire ne put s'empêcher de lui
demander :
- N'avez-vous pas froid avec cette simple tunique sur le dos ? Le vent est glacial !
Sans se départir de son sourire énigmatique, le sage lui répondit d'une voix douce :
- Cher ami, si pour ramener un peu de chaleur dans le cœur d'un homme je devais me plonger tout entier dans un lac gelé, je le ferais. Mais je ne peux ressentir la morsure du froid, puisque le feu de l'amour brûle en moi. Je viens de t'offrir un peu de ma flamme. Partage-là à ton tour, avec quiconque croisera ton chemin. Ouvre ton cœur, décrispe tes mains. Donne de toi-même, sans peur, sans regret. Et tu n'auras plus jamais froid. Tu seras comme ce petit oiseau, là, à ta droite, qui s'égaie près de la flaque gelée.
L'homme dirigea alors son regard vers la droite et un grand sourire lui vint, quand il vit l'oiseau qui le regardait.
Quand il se retourna, le sage avait disparu.
Martine PV
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