Le papillon et la sirène
Sur les ailes du vent, batifolait un joli papillon aux ailes délicates. Sur son passage, chaque fleur rivalisait d’éclat et d'élégance et ravivait son parfum pour l’attirer vers elle. Mais lui n’avait d’yeux que pour l’azur étoilé de son regard à elle, quand il s’aventurait sur l’océan : la belle sirène assise sur son rocher. Il était hypnotisé par ce regard et n’entendait que la musique de sa voix cristalline, quand elle entonnait son chant d’amour. Les pépites argentées de ses notes divines venaient se poser sur ses ailes, les faisant frémir de bonheur.
Il aurait pu rester là pendant des heures, à planer dans le vent ou à lutter contre lui quand il soufflait avec violence. Car pour rien au monde il n’aurait manqué le chant de sa sirène bien-aimée. Il savait qu’en cet instant, elle ne chantait que pour lui, mais que juste après la dernière note, elle repartirait vers son univers : les fonds marins. Il savait aussi qu’il ne pourrait jamais la suivre, au risque de périr. Alors il restait là, la buvant du regard et se noyant avec bonheur dans son chant. Il restait toujours là jusqu’à l’ultime seconde, avant qu’elle ne disparaisse en un gracieux plongeon.
Dans la brume argentée qui posait un arc-en-ciel sur la crête des vagues, brillait avec éclat la peau de son fourreau. Elle était assise là, sur son rocher de lumière et elle chantait de toute son âme. Car son destin était de chanter. Elle chantait pour tous ceux qui étaient perdus ; elle chantait pour tous ceux qui rêvaient ; elle chantait pour tous ceux qui aimaient.
Mais un matin, un instant, à l’aube d’un jour nouveau tout irisé d’espoir, elle l’avait vu voler dans le ciel, le papillon aux ailes diaphanes, venu tout droit des étoiles. Depuis ce jour, elle chantait pour lui. Rien qu’en le regardant, elle avait senti son chagrin, sa souffrance, mais aussi ses rêves d’amour. Et de cet amour dont il rêvait, sa mélodie et son cœur à elle en étaient remplis. Alors elle chantait pour lui, de toutes ses forces, en espérant que ses notes graviraient les hauteurs pour atteindre son cœur. Puisqu’elle ne pouvait voler vers lui, son bien-aimé.
A travers le bruissement attendri de ses ailes, le papillon lui renvoyait simplement l’écho de ses notes de jasmin.
C’était la seule façon que l’un et l’autre avaient trouvée de se rejoindre. Car chacun sait qu’un papillon et une sirène ne pourront jamais nager ni voler côte à côte. Et tout le peuple de la mer, et tout le peuple ailé se réjouissaient ensemble, à l’écoute du chant d’amour de la sirène qui ne pouvait pas voler, au papillon qui ne pouvait pas nager.
Martine
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