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Ce n'est rien, c'est le progrès

 

 biche et faon.jpg

Image Pixabay

 

   De retour de sa promenade matinale,  Aldebert le cerf trouva sa compagne en pleurs. Inquiet, prévenant, il lui demanda aussitôt ce qu'il s'était passé. Iseline, la biche aux doux yeux d'or, lui répondit qu'elle avait eu très peur, elle avait entendu un grand bruit à la lisière de la forêt, un bruit qui ressemblait au feulement terrible d'un félin. « Oh… ça ? lui répondit son compagnon en riant, ce n'est rien, ne t'inquiète pas, c'est le progrès. »

 

   Aldebert se fit soucieux : dans son état, sa compagne n'aurait pas dû se tracasser autant. C'est qu'elle attendait un heureux événement. Dans trois mois, si tout se passait bien, elle mettrait au monde un joli petit faon. « Il a fallu que les tronçonneuses commencent leur travail juste au moment où je l'ai laissée seule ! se désola-t-il, si j'avais été là, j'aurais pu la rassurer tout de suite. »

 

   A l'instant même où il eut cette pensée, les tronçonneuses firent de nouveau vibrer leur moteur. Immédiatement, Iseline se remit à trembler. « Mais qu'est-ce que c'est ? » demanda-t-elle à son compagnon. « Ce n'est rien, la rassura-t-il de nouveau, ce sont les humains qui abattent quelques arbres. Il paraît qu'ils vont construire une cité résidentielle à l'entrée du bois. » « Une cité résidentielle ? » répéta-t-elle, d'une voix angoissée. » « Mais pourquoi t'inquiètes-tu autant ? lui répondit-il, c'est le progrès, nous en profiterons nous aussi, nous serons bien contents de grappiller les quelques miettes que les humains sèmeront sur leur passage, les jours d'hiver où nous ne réussirons pas à trouver à manger ». Iseline ne fut guère convaincue par les propos d'Aldebert mais elle se tut. 

 

   Quelques jours plus tard, Iseline apprit par ses amies que le chêne centenaire qui trônait à l'intersection des quatre chemins venait d'être abattu. « Tu te rends compte ? Ils ont tué Bernardin, lui qui était si beau, si généreux, qui nous offrait de si beaux fruits, dont le feuillage touffu nous rafraîchissait si agréablement les jours de grosse chaleur… » « Je sais, c'est dommage pour lui, répondit Aldebert, mais c'est la rançon du progrès. Tu sais ma chérie, on est parfois obligé de faire des sacrifices pour le progrès. » Cette fois encore, Iseline ne dit rien mais elle ne put empêcher ses larmes de couler.

 

   Trois mois plus tard, Iseline mit au monde un magnifique faon qu'ils appelèrent Thomasin. Le bruit des tronçonneuses devenait de plus en plus assourdissant et l'angoisse d'Iseline  augmentait au fur et à mesure que le bruit se rapprochait. Mais à chacune de ses questions inquiètes, Aldebert répondait : ce n'est rien, c'est le progrès.

 

   Un jour, Iseline en eut assez que son compagnon ne réagisse pas plus énergiquement et le lui fit savoir : « La moitié du bois a maintenant disparu et tu n'arrêtes pas de me répéter : c'est le progrès. Ne vois-tu pas que nous n'aurons bientôt plus un arbre sous lequel nous reposer ? Plus une feuille à avaler ? Est-ce là le progrès ? Et si demain je ne pouvais plus nourrir Thomasin ? Partons d'ici, je t'en prie, allons à la recherche d'un autre bois. « Mais non voyons…que vas-tu chercher…toujours à t'inquiéter pour rien ! » répondit simplement Aldebert en haussant les épaules d'un air las.

 

   Les tronçonneuses repoussaient toujours plus loin les limites du bois. Un matin, pendant qu'Aldebert était parti faire sa promenade matinale, Iseline et  Thomasin furent surpris dans leur sommeil par le vrombissement assourdissant  des machines. Elles s'attaquaient maintenant au secteur où leur petite famille avait élu domicile. Par réflexe de surprise, Thomasin se leva précipitamment et s'élança en avant.  Pris de panique, il ne vit pas le fossé devant lui et au lieu de le franchir avec grâce comme sa maman lui avait appris à le faire, il trébucha, et en tombant au fond, se cassa une patte. Iseline courut vers lui, s'allongea à ses côtés et les larmes aux yeux, se mit à lécher ses blessures, tout en le rassurant.

 

   De retour quelques instants plus tard, Aldebert trouva sa compagne et son fils allongés dans le fossé, la maman en train de pleurer toutes les larmes de son corps et le fiston gémissant de douleur. Il eut du mal à soutenir le regard infiniment triste et désemparé de sa fidèle compagne, qui demanda, des larmes plein les yeux : « Et maintenant ? » Aldebert, désemparé, ne sut que répondre : « Je ne sais pas...les humains vont sûrement faire quelque chose pour nous aider…le progrès ne peut pas être une mauvais chose...»      

 

 

Martine Vivien

 

 

 

 

   Back from his morning walk ,  Aldebert deer found his wife in tears. Concerned , caring, he immediately asked what had happened. Iselin , the doe- soft golden eyes , replied that she had been very frightened, she heard a loud noise at the edge of the forest, a sound that resembled a cat only terrible . "Oh ... that ? replied his companion , laughing , that's nothing , do not worry , it's progress. "

 

   Aldebert became worried: in his state , his girlfriend should not have to worry so. Because she was expecting a happy event. In three months , if all went well , she would give birth to a beautiful little fawn . " It took the chainsaws start work just as I left it alone! was sorry he had I been there , I could reassure her immediately . "

 

   At the very moment he had this thought, chainsaws made their new vibrating motor. Immediately , Iselin began to tremble. "But what is it ? " she asked her companion. "This is nothing, "he reassured her again, it is humans who harvest a few trees . It seems they will build a housing estate at the entrance of the wood . "A housing estate ? " she repeated , in an anguished voice . "But why are you worried about that? he replied , is progress, we will use us again, we 'll be glad to snatch a few crumbs that humans in their way sow the winter days when we will not succeed in finding food. "  Iselin was hardly convinced by the words of Aldebert but she was silent . 

 

   A few days later, Iselin learned from her friends that the oak tree that sat at the intersection of four roads had just been killed. "Do you realize ? They killed Bernardin , he who was so beautiful, so generous, offering us such beautiful fruit , whose thick foliage we so pleasantly refreshed the hot days ... "I know it's bad for him ... "said Aldebert , But the price of progress . You know darling , you sometimes have to make sacrifices for progress. "Again , ISELIN said nothing but she could not prevent his tears from flowing.

 

   Three months later , Iselin gave birth to a beautiful fawn they named Thomasin . The sound of chainsaws became increasingly loud and anguish of Iselin  increased gradually as the noise came closer . But each of his anxious questions , Aldebert replied it is nothing, it's progress.

 

   One day , Iselin had enough that his companion did not react more forcefully and told him : "Half of the wood is now gone and you do not stop repeating myself : it's progress. Do not you see that we shall soon have a tree under which we rest ? More than one sheet to swallow? Is this progress? And if tomorrow I could not feed Thomasin ? Leave here, I pray thee, go in search of another tree . " Why no ... what are you looking for ... still nothing to worry ! " Aldebert said simply shrugging his shoulders wearily .

 

   Chainsaws rejected ever further the limits of wood. One morning, during qu'Aldebert was gone for his morning walk , and Iselin  Thomasin were surprised in their sleep by the deafening roar  machines. They attacked the area where now their little family had taken up residence . By reflex surprise , Thomasin hurriedly got up and rushed forward.  Panicked , he did not see the ditch in front of him and instead of crossing it with grace as her mother had taught him to do so , he stumbled and fell at the bottom , broke his leg. Iselin ran towards him , stretched out beside her with tears in his eyes and began to lick his wounds , while reassuring .

 

   Returning a few moments later , Aldebert found his girlfriend and her son lying in the ditch, the mom crying all the tears from his body and the son groaning in pain. He found it hard to support the look infinitely sad and bewildered by her faithful companion, who asked , tears in his eyes : " And now ? " Aldebert , helpless , could only reply: " I do not know ... humans will surely do something to help us ... progress can not be a bad thing ... "      

 

 

Martine 

 

 

 

 

 

 

 



18/06/2015
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