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L'étrange aventure de M. Neriskepa

  

Monsieur Neriskepa allait à petits pas.

Il n'aimait pas les gens, il n'aimait pas le monde,

Il préférait le froid. Ainsi ne sortait pas,

Son fauteuil, préférant, à cette vie qui gronde.

 

Son épouse blasée, de son humeur austère

Avait pris son parti, le laissant ruminer,

Ne se sentant blessée ni ne s'offusquant guère

De ses plis de mépris, de son air consterné.

 

Car il trouvait normal de ne pas se frotter

A la vie extérieure encombrée de dangers,

De gens aimant le mal et prêts à vous tuer,

Abusant de la peur qu'ils aiment susciter.

 

Il ne comprenait pas qu'on pousse l'inconscience

A chercher dans la foule un refuge d'amour.

Il n'avait en cela pas si tort que l'on pense,

Mais faut-il voir la houle en cette onde qui court,

 

En ces mots échangés comme fleurs de printemps

Soufflant sur tout hiver un parfum agréable,

Qui fait tout oublier pour un arrêt du temps

En l'escale éphémère d'une parole aimable ?

 

Monsieur Neriskepa vivait ainsi sa vie,

Comme un loup solitaire au fond de sa tanière.

Toute son existence en eût été ainsi

Si le calme ordinaire était resté de fer.

 

Or il se fait qu'un jour, la vie voulut jouer

Avec cet être amer, au fond très malheureux,

Lui qui cherchait l'amour dans les sombres pensées,

Car de ces temps d'hier, son coeur était en feu.

 

Un beau matin d'été, le voilà dans la rue.

Pas n'importe laquelle et puis pas n'importe où.

Sur les Champs Elysées, de lumières vêtus,

La veille de Noël, animée de partout.

 

Tout d'abord il panique et transpire à tout va.

Ne sachant où aller, en avant, en arrière,

En ce lieu sans logique où le mènent ses pas.

Nu et désemparé, le voilà pas très fier.

 

Après quelques secondes de stupéfaction,

Il remarque, étourdi, quelque-chose d'étrange :

Des faces rubicondes aux gros yeux vermillon

Sont passées près de lui, sans un mot, sans échange.

 

Pas le moindre regard vers son être insolite

Qui se balade nu au milieu des passants,

Qui le voient sans le voir, telle une âme maudite

Qu'on ne distingue plus puisqu'étant du néant.

 

Il ne peut l'accepter, ne peut le concevoir.

Il veut en être sûr, même s'il a très peur.

Serait-il décédé ? N'y a-t-il plus d'espoir ?

Quelle est cette aventure aux relents de malheur ?

 

Alors, timidement, il s'approche d'un homme,

Doucement, pas trop près. Il est nu tout de même...

Lui pose une question, question stupide en somme :

Que m'est-il arrivé ? Suis-je à mon heure extrême ?

 

Bien sûr ne répond pas le passant qui ne voit

Que le fleuve agité de la foule en émoi,

Mais l'homme nu, non pas, et qui n'entend sa voix.

Monsieur Neriskepa risque tout cette fois.

 

Il s'élance en avant sur l'homme au pas rapide,

Veut palper sa présence. Oh ces mains insensibles !

Tout plutôt que néant et cette peur du vide

En cette foule dense où il est invisible.

 

Il découvre à regret en passant à travers

Qu'il est devenu spectre errant à l'aventure.

Il ne peut plus parler le langage d'hier,

Ne peut aimer ni être, en ce mauvais augure.

 

Etrange paradoxe, en cette heure d'été,

Lui qui aime l'hiver et ses forêts transies :

A l'instant d'équinoxe, il manque d'étouffer,

D'un instant solitaire au bouillon de la vie.

 

Il poursuit son errance en regardant le ciel,

Se lamentant des plaies qu'il offrit à sa vie.

Il eût erré, je pense, à vie, si son réveil

Ne l'avait délivré de ce rêve maudit.

 

 

Martine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



06/09/2016
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