L'abeille et la fourmi
Annabella l’abeille, insouciante accrobate,
Affrontait sa journée comme à son habitude.
Ce fut sur une treille qu’elle posa ses pattes,
Heureuse et transportée d’une exquise hébétude.
Annabella rêvait, c’était une rêveuse,
Rieuse, s’envolait, d’une confiance entière,
Riait, virevoltait. Elle était si heureuse
Dans le doux parfum frais de la belle lumière !
Wapiti la fourmi transportait son fardeau
Depuis longtemps déjà sous les tendres rayons
D’un soleil assoupi mais caressant son dos
Pour alléger son poids, d’une aimable attention.
Quelle œuvre difficile en sa vie de fourmi,
Dont elle se chargeait sans jamais une plainte !
Travailleuse et docile elle avançait sans bruit,
Les obstacles bravait, de bravoure non feinte.
En la voyant ainsi transpirer sous sa charge,
Annabella cessa ses circonvolutions,
Se mit en mode arrêt sur une feuille large,
Gentiment l’appela, quêtant son attention :
– Hé Bonjour Wapiti ! Comment va, aujourd’hui ?
Attends un instant, viens discuter un peu.
Qu’en est-il de ta vie, tes désirs, tes envies ?
Ris-tu de temps en temps ? Ami, es-tu heureux ?
— Oh ne m’en parle pas ! répondit la fourmi,
Sous ce fardeau je plie, nuit et jour, jour et nuit,
Plus qu’assez de cela ! J’aimerais ton envie,
Ta foi qui embellit tout ce qui va et vit,
Ta joie de vivre, ton enthousiasme…
Oh ce poids est bien lourd, et dans mon cœur aussi…
Cet espoir qui t’enivre en moi n’est que marasme.
Je ne vis pas, je cours, de pierres en pissenlits.
— Tu es bien pessimiste, et cela me fait peine,
Répondit Annabelle entre ses mandibules,
Sans paraître alarmiste et te sembler sans gêne,
Il te faudrait, ma belle, en urgence une bulle
Où tu pourrais dormir et peut-être rêver
Pour oublier un peu ta mission contraignante,
Où tu pourrais sentir ce que c’est que d’aimer
Parcourir sans raison notre terre envoûtante.
— Mais je suis une fourmi ! répondit Wapiti,
Je ne peux me permettre, j’ai des tâches à finir !
J’ai des délais requis, des charges imparties,
Il me faut me soumettre ! Mon Dieu, de pire en pire !
Quel est donc ton secret, toi qui œuvres pour rien,
Toi qui fais tous les jours d’incessants va-et-vient
Pour un miel qui sera mangé par les humains ?
Je t’admire, tu sais, et j’envie ton entrain.
—C’est que je suis abeille, je suis donc dans mon rôle,
Je fus crée ainsi, et telle je m’accepte.
Pour moi la vie est belle, et souvent même drôle,
C’est ma philosophie, je n’me prends pas la tête.
Aujourd’hui laisse-moi te soulager un peu,
Moi qui prends du plaisir à aider mes semblables,
Sur mes ailes de soie, avec joie et sérieux,
Avec un grand sourire et une voix aimable
J’allègerai ta charge, en faisant attention,
Je sais qu’elle est fragile et pour toi si précieuse.
En attendant recharge en ton cœur l’intention,
Tu verras, c’est facile, et tu seras heureuse,
Le temps de t’émouvoir des beautés sibyllines
En ces mille merveilles offertes par Gaïa
Que tu ne pouvais voir quand tu courbais l’échine
Le regard en sommeil sous ce si pesant poids.
Wapiti toute émue, ne savait plus que dire,
Ce geste inespéré fut pour elle un cadeau,
Miracle inattendu que ce charmant sourire,
Lors son âme attristée s’envola aussitôt.
Il faut de tout, messieurs, pour faire un monde heureux,
Des abeilles insouciantes et des fourmis bûcheuses,
Des rêveurs bienheureux, des faiseurs besogneux,
Pour chasser la tourmente en cette vie rugueuse.
MPV
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