Sept vies pour revivre
Chers amis lecteurs,
En cette période difficile de confinement, nous cherchons tous des moyens de passer le temps. Hélas, nous n'avons pas la possibilité de profiter des bienfaits du printemps, ou très peu, alors il faut trouver des activités d'intérieur, et la lecture en est une.
Mon dernier roman vient de paraître et c'est avec grand plaisir que je compte vous l'offrir en lecture gratuite pendant toute la durée du confinement.
J'espère que ce récit vous permettra de passer d'agréables moments qui vous feront un peu oublier les désagréments de ce confinement, certes, désagréable, mais nécessaire pour le bien de tous.
Portez-vous bien, et surtout, en ces jours sombres, n'oubliez pas de vous protéger et de protéger vos proches.
Bien amicalement,
Martine
Ci-dessous un extrait du roman :
Sous-genre : spiritualité, amour
Thème : voyage initiatique
Résumé :
Ariel est écrivain. Il travaille à son dernier roman, quand se produit subitement un événement extraordinaire : il est happé par son livre et projeté dans son récit, dans la peau de son personnage. Une expérience hors-norme qui sera suivie de plusieurs autres.
Elda est professeure. Elle-même est déjà plongée depuis quelque temps au cœur d’une aventure tout aussi incroyable. C’est dans ce contexte qu’elle va rencontrer Ariel, puis le croiser à plusieurs reprises dans des circonstances étranges.
De leurs rencontres furtives va naître un amour hors du commun. Aucun d’eux ne comprend ce qui lui arrive. Le jour où l’énigme sera enfin résolue, un autre mystère leur sera révélé en même temps.
« Sept vies pour revivre » est la rencontre de deux personnages en quête de sens, dont les destins croisés vont constituer la scène d'un voyage initiatique.
CHAPITRE 1
La première fois, il en resta tout déconfit. Pendant un temps interminable. Si toutefois le temps existait. Car ce qui venait de lui arriver était tout simplement incroyable. Et pourtant il était doué d’une imagination fertile. Plus que cela, même. Cette imagination était comme une vague déferlant à l’infini, surgie de nulle part et n’arrêtant jamais sa course dévastatrice. Un redoutable tsunami qui bouleversait tout sur son passage, bousculait tous les codes, anéantissait toutes les illusions, créait les bizarreries les plus folles, prêtait vie à l’impossible, exauçait les rêves les plus audacieux.
Mais ce qui venait de lui arriver là…comment le définir sans tomber dans les platitudes les plus ineptes ? Le restituer dans toute son intensité ? Comment ne pas réduire le majestueux phénix à l’état de maigre oiselet sans envergure, dont le seul exploit serait de parvenir à s’envoler hors du nid ? Même dans ses rêves les plus fous, il n’aurait pu imaginer vivre une telle expérience.
Ariel était écrivain, romancier, plus exactement. C’est dire si son imagination était fertile. Tout autant que l’était sa fantaisie gustative dans le domaine des cocktails. À quarante-trois ans passés, il avait bien accumulé une centaine de recettes, et il continuait à en créer lui-même de nouvelles, tout d’abord pour son plaisir personnel, et ensuite pour les tester avant de les faire goûter à ses amis. Il le faisait en connaisseur, en digne épicurien qu’il était. Il en abusait rarement, il lui fallait garder raison et toutes ses facultés intellectuelles pour l’écriture de ses romans. Mais ce soir-là, il se dit que sûrement, il avait un peu trop forcé sur la dose, et c’était pourquoi il se lamentait autant, en ce petit matin tout recouvert de gelée blanche. Car une fois de plus, il n’avait pas eu la présence d’esprit de noter la recette ni les doses exactes de chacun des alcools qu’il avait mélangés. Il procédait toujours à l’aveuglette, puis notait tout de même les noms des alcools qu’il avait utilisés pour pouvoir reproduire les cocktails pour ses amis, si toutefois ces derniers les avaient trouvés bons. Mais cette fois, les effets produits avaient été si fantastiques – bien plus que les thèmes de ses romans – qu’il regretterait jusqu’à la fin de ses jours de n’avoir pas dosé scrupuleusement ce breuvage magique, puis noté et précieusement archivé la formule. Car vu ce qu’il venait de vivre, il n’était pas exagéré de parler de formule magique.
Là-bas… Là-bas, plus de question existentielle à se poser. Plus de peur, plus d’obsession. Le tout du Grand Tout accessible à volonté. Avec en plus le bienheureux superflu qui vous fait roi du monde. Le must du must, la grande classe. Le luxe, le pouvoir, la richesse et la gloire, comme s’il en pleuvait. Plus de crainte de manquer, de ne plus plaire au public, de ne plus vendre de livres, de ne plus être éclairé par les néons de la renommée. La gloire et l’argent à vie. De quoi se payer les hôtels les plus luxueux trônant sur des sites paradisiaques. Être adulé des plus belles femmes, appétissantes et sensuelles, habiles et imaginatives, innovantes dans les plaisirs de la chair. Tandis que le vin coule à flots, source intarissable de bien-être planant. En d’autres termes, le paradis sur terre.
Comment, après cela, se réveiller de bonne humeur dans le lit ordinaire de la chambre ordinaire de sa maison ordinaire ?
***
La première fois, elle pleura toutes les larmes de son corps. Comment vivre un tel bonheur, puis devoir y renoncer aussitôt si brutalement ? C’était comme être transformé miraculeusement en rose épanouie au plus fort de sa floraison, baigner tout entier dans son parfum capiteux, mais ressentir en même temps, à temps complet, la blessure de ses épines. Sur chaque millimètre carré de peau. Alors on n’a pas d’autre solution que de quitter ce corps, de renoncer à ce bonheur qui fait si mal. Tout en sachant qu’à partir de cet instant, rien ne sera plus jamais pareil. Rien. Ni sur la terre, ni au ciel, ni dans l’infiniment petit, ni dans l’infiniment grand. Nulle part. C’était y rester ou sortir. Douloureux dilemme. Torture ineffable.
Elda était ce que l’on appelle une utopiste. Elle semblait être née avec cet idéalisme exacerbé qui éclairait chacune de ses pensées et guidait chacun de ses gestes. Comme si ses rêves de perfection avaient précédé sa naissance. Comme si elle les avait commencés en autre temps.
À trente-huit ans, elle était une femme accomplie. Toujours aussi jolie qu’à vingt, mais d’une beauté sans artifice. Intelligente, mais d’une intelligence assurément humaniste. Elle n’obéissait à aucune autre règle que celles dictées par sa conscience. Par son amour du vivant et le respect que l’on doit à la nature. Elle ne voulait appartenir à aucun groupe, qu’il fût politique, social ou religieux. Elda était un électron libre et l’assumait pleinement. Elle ne voulait dépendre de personne, pour pouvoir garder la parfaite maîtrise de ses pensées. Son sens de l’honneur et de la justice la retenait d’accepter la moindre compromission. C’était comme un réflexe chez elle, une sorte de réaction chimique automatique, dès que quelqu’un tentait la moindre intrusion dans sa bulle de tendresse pour le monde.
Elle étonnait bien souvent, déconcertait parfois. Elle pouvait même faire peur, à certains moments. D’autant qu’elle ne provoquait pas volontairement ce mystère troublant qui semblait l’envelopper tout entière tel un voile nuageux. Certains disaient qu’elle était insaisissable. Ce qui était probablement vrai. Dès que l’on tentait de l’approcher avec des intentions suspectes, elle se protégeait instinctivement. L’un de ses rares amis – car on pouvait compter ceux-ci sur les doigts d’une seule main – la surnommait la sensitive, une plante tropicale autrement nommée Mimosa pudica, dont les feuilles se rétractent automatiquement aussitôt qu’on la touche. Elle avait souri la première fois que son ami l’avait baptisée ainsi. Elle n’avait pas cherché à nier, avait même admis ce trait de caractère. Elle ne tentait pas non plus de s’en cacher, elle l’acceptait bien volontiers. Tout comme elle s’acceptait elle-même avec ses qualités et ses défauts, ses points forts et ses failles. Elle n’était pas du genre consensuel et cela ne la perturbait pas le moins du monde, même en cas de rejet, voire, au pire, de franche agressivité. Selon elle, ceux et celles qui l’aimaient vraiment et l’acceptaient telle qu’elle était n’auraient jamais peur de l’approcher, et c’était la seule chose qui lui importait.
Elle « partait » régulièrement vers cet autre monde symbole pour elle de perfection. Un monde où l’on respecte la nature et les êtres vivants. Où le ciel est d’un vrai bleu, l’herbe d’un vrai vert, l’eau limpide et pure. Où des fleurs multicolores aux couleurs merveilleuses semblent venir d’ailleurs. Où les arbres donnent de beaux fruits sains, sucrés et juteux. Où la terre elle-même offre du fruit en abondance. Où chaque être humain, quel que soit l’endroit où il vit sur terre, a directement accès à ces richesses naturelles. Où personne ne meurt de faim ni ne souffre de maladie ou de malnutrition. Où aucun homme ne cherche à asservir d’autres hommes pour sa seule satisfaction égoïste. Où les guerres n’existent pas, puisque tout est accessible à tous et que personne ne se veut le maître de personne. Le paradis. Celui de ses pensées. Quand Elda partait ainsi, de l’autre côté, il fallait la laisser faire, et juste admirer silencieusement le bonheur que lui procurait son voyage.
Mais ce jour-là, quand elle fut revenue, rien n’était plus pareil. Car ce qu’elle avait vu dépassait toutes ses espérances, tous ses rêves les plus merveilleux. Seulement maintenant qu’elle était de retour, elle était obligée de constater, profondément déçue, que tout ceci n’avait bien été qu’un rêve. La réalité lui apparaissait maintenant mille fois plus indigeste qu’elle ne l’était auparavant.
CHAPITRE 2
Confortablement installé dans son jet privé, Ariel sirote tranquillement un cocktail, certes pas aussi bon que ceux qu’il se prépare lui-même avec amour, mais qui se laisse tout de même déguster les yeux fermés. À ses côtés, caressante et ronronnant comme un chat qui se frotte à vos jambes pour réclamer du lait, une jeune femme superbe. Longs cheveux blonds, bouche pulpeuse, seins fermes et proéminents, taille fine et hanches larges, longues jambes bien galbées. L’archétype de la femme parfaite à ses yeux. Celle qui n’attend rien d’autre de vous que de satisfaire ses appétits gourmands autant que les vôtres et, de temps à autre, de recevoir de vous quelques jolies robes, bijoux, parfums et accessoires de luxe.
Tout est parfait, se dit-il. Dans quelques heures, je pourrai piquer une tête dans le lagon, avant de m’étaler tout nu sur le sable blanc pour me faire rôtir autant qu’il me plaira, et « merde » à tous ces terroristes du bien-être formaté qui, mine de rien, ne savent pas profiter de la vie !
Ariel est propriétaire d’une île perdue au milieu du pacifique. Il vient tout juste de l’acquérir et l’a payée comptant pour un montant véritablement indécent. Ce dernier geste vient de le classer définitivement parmi les hommes les plus riches de la planète, ce qui n’est pas pour lui déplaire, et lui procure même un plaisir intense. Une sorte d’intemporelle certitude, celle qu’il ne peut rien lui arriver de mal, la sensation grisante de planer au-dessus du monde, et particulièrement de tous ces sous-fifres qui continuent à se débattre dans leur fausse vie, leurs faux projets, leurs fausses croyances, leurs fausses idoles, leurs fausses utopies. La vie, c’est ça, se dit-il, c’est être là, en haute altitude, c’est vivre le bonheur anticipé d’être bientôt au paradis, celui qu’on s’est fait soi-même, à force de volonté et d’endurance.
Planant au royaume de ses pensées mégalomanes comme son jet vole au-dessus des nuages, Ariel a totalement oublié le fait que s’il en est là aujourd’hui, ce n’est pas seulement à force de courage et de volonté – dont il n’est d’ailleurs que très moyennement pourvu – mais surtout parce qu’il a hérité de son père – lui-même doté, en revanche, d’un courage et d’une volonté extraordinaires – la multinationale que ce dernier a créée et réussi à faire fructifier au fil des années. Il faut dire qu’Ariel est fin stratège dans le domaine des affaires, et que jusque là il n’a jamais vraiment eu besoin de faire preuve de courage ni de volonté pour entretenir cette affaire familiale qui marche très bien toute seule. Son seul véritable travail consiste donc à vérifier que l’argent tombe bien régulièrement dans les caisses, de quoi pouvoir entretenir en toute quiétude son actuel train de vie. Rien d’autre ne doit le préoccuper et c’est avec beaucoup de conscience « loisirienne » qu’il chasse aussitôt de son esprit les pensées parasites du genre « une telle richesse est indécente » « tu devrais donner un peu de ton argent aux nécessiteux », que les esprits bien pensants, ceux qu’il appelle les « politiquement correct », ont l’habitude d’éructer dans leurs feuilles de chou ou leurs blogues engagés. Il ne laisse jamais aucune pensée parasite polluer la quiétude de son esprit lorsqu’il se trouve en quelque lieu de bien-être, comme celui où il se tient en ce moment, un verre à la main, une belle blonde accrochée à son bras, en train de chercher à l’exciter de ses habiles jeux de jambes.
⁂
Sa descente sur le tarmac baigné d’une douce chaleur et caressé par les alizés est toujours une grande source de jouissance pour Ariel, une jouissance quasi orgasmique. À peine après avoir quitté la neige et le froid de l’hiver, se retrouver sur une île totalement préservée de l’agitation de ce monde, baignant perpétuellement dans une température idéale entre 25° et 28°, n’est-ce pas le top du top ? Surtout si cette île vous appartient personnellement. Comment ne pas ressentir une sorte de nirvana en posant le pied sur son sol ? Ariel ne boude pas son plaisir, qu’il partage généreusement avec sa compagne du moment :
— Elle est pas belle, la vie ? lui demande-t-il d’une voix enthousiaste, tout en laissant errer sa main dans le bas de son dos.
— C’est vrai, j’ai beaucoup de chance d’être là avec toi.
— Ça, tu peux le dire, ma belle. Mesure-là bien, cette chance, et goûte-la intensément. Tu ne vivras pas ça deux fois dans ta vie.
— Pourquoi, c’est la dernière fois que tu viens ici ?
— Non, pourquoi ?
— Alors si tu comptes revenir, tu n’as pas l’intention d’y emmener de nouveau avec toi ta petite colombe ? minaude-t-elle en se collant à lui.
— Ma douce colombe, tu sais bien ce qu’on a dit, c’était le deal entre nous : pas d’attache. On passe du bon temps ensemble, le temps qu’on se sent bien. Puis dès que ça commence à se gâter, on repart chacun de son côté. Je te l’ai dit, je ne suis pas un homme qu’on attache et j’ai horreur des conflits. Et dans un couple, après l’idylle au clair de lune arrivent toujours les conflits.
— …
— Laure… reprend-il d’une voix adoucie en voyant son petit air triste, ne te prends pas la tête, ma chérie. Regarde ce soleil, sens-moi ces parfums. On va bien s’amuser ici, tu vas voir. Ne pense pas à demain, profite !
Puis, se rapprochant tout doucement de son cou, il lui susurre à l’oreille :
— Qui peut savoir ce que nous réserve demain ?
À ces mots, le sourire revient sur le visage de Laure. Elle pose sa tête sur son épaule, rêveuse, et retrouve cette démarche chaloupée et dynamique à la fois qui l’a un jour fait craquer pour elle, cette nouvelle belle compagne de plaisir.
Ariel est ce que l’on peut appeler un séducteur. Il aime les femmes et elles le lui rendent bien. Il se montre toujours chaleureux, amoureux et protecteur envers toutes celles qui entrent dans sa vie, mais il ne leur donne que ce qu’il veut bien leur donner. Son temps, son argent, ses attentions tendres, son habileté sexuelle, parfois quelque sentiment confus ressemblant un tout petit peu à de l’amour, mais il a fermement décidé que jamais, jamais, il ne s’attacherait à l’une d’entre elles. La liberté pleine et entière est pour lui la priorité des priorités. L’amour et toutes ces conneries d’un autre temps ne font que rendre les hommes complètement idiots et les enfermer derrière des barreaux très solides, pieds et poings liés. Très peu pour lui ! Il se montre toujours très honnête sur ce point avec ses nouvelles compagnes. Il annonce la couleur d’emblée. Elles acceptent, en quelque sorte, d’effectuer une sorte de croisière amoureuse avec lui, un beau voyage qu’il saura rendre inoubliable, et ensuite, au revoir. Chacun chez soi. Et jusqu’alors, aucune n’y a jamais trouvé à redire. Il faut dire que son train de vie et les possibilités qui en découlent pour tous ceux et celles qui croisent sa route pour un temps plus ou moins long sont des arguments de poids qui ne manquent jamais de peser dans la balance. Quelle inconsciente refuserait une croisière aux Caraïbes ou un séjour tout frais payés dans un grand hôtel de luxe avec vue sur la mer et soins SPA à volonté ? Certaines ont bien parfois quelques velléités de s’approprier Ariel pour elles toutes seules, de lui faire changer d’avis en le rendant amoureux, mais jusqu’ici, aucune n’y a jamais réussi, étant donné qu’il fait toujours tout ce qui est en son pouvoir pour que jamais une telle malédiction ne s’abatte sur lui. Cela ne risque donc pas de lui arriver.
***
Le pied à peine posé sur Elda, nom qu’il a instinctivement donné à son île, sans n’avoir jamais pu s’expliquer comment ni pourquoi lui a été inspiré ce choix, il n’a qu’une envie, piquer une tête dans la mer. Et comme il n’a jamais renoncé à satisfaire le moindre de ses désirs, il plante son amie Laure sur la terrasse de sa villa, après l’avoir tout de même invitée gentiment à découvrir par elle-même la magnificence des lieux. De toute façon, elle aura ainsi la piscine pour elle toute seule et pourra se faire dorer au soleil tout à loisir. Lui préfère jouir en solitaire de la beauté sauvage de sa plage favorite. C’est là un privilège qu’il n’a jamais partagé avec quiconque. Son petit plaisir à lui. C’est comme ça. Bien entendu, Laure pourra s’y rendre aussi souvent qu’il lui plaira, mais pas avec lui. Ça fait partie du contrat. Le jour où elle lui en a demandé la raison, il a été incapable de lui répondre, mais n’en a ressenti absolument aucune gêne. C’était à prendre ou à laisser.
À peine arrivé sur la plage, il se débarrasse vivement de son bermuda, puis de son caleçon, avant de se précipiter à l’eau avec un grand cri de jubilation. Quel pied ! Mais quel pied ! Il avance, avance, avance encore dans cette eau turquoise où sont en train de nager des milliers de poissons multicolores. Puis, lorsque l’eau a atteint le niveau de sa taille, il commence à nager, en proie à un enthousiasme délirant. Il a l’impression que son corps va se dissoudre dans l’eau ou bien qu’il va être soulevé miraculeusement dans les airs, tant il se sent léger. Son cœur déborde d’allégresse. Tellement, qu’il ne pourrait décrire cette sensation dans toute son intensité lumineuse.
Après une dizaine de minutes de nage dans cette eau paradisiaque, il revient vers la plage. Il s’allonge sur le sable et se met à observer le ciel d’azur. Quelques fins nuages s’y étirent, tels des filaments de soie. Il ferme les yeux et se laisse bercer par les bruits, le corps délicieusement caressé par le soleil et le vent. Il est bien, là, tout nu sur cette plage. Pour rien au monde il ne voudrait être ailleurs. Il se sent tellement bien et détendu qu’il finit par s’endormir, rempli de gratitude envers la vie : dire que je suis en train d’imaginer tout ça et qu’en même temps je suis dans l’histoire !
Il se réveille un quart d’heure plus tard, et il était temps, car son front et ses joues sont déjà fortement rougis par le soleil. Il sent que ça chauffe. Il le sait, pourtant, que sous les tropiques il faut s’enduire largement de crème solaire haute protection, mais il était tellement pressé de plonger dans cette eau !
Ariel n’est pas du genre patient. Quand il a décidé quelque chose, il le lui faut tout de suite. Caprice de riche, reconnait-il bien volontiers, et sans le plus petit sentiment de culpabilité. Seulement après, il faut en accepter les conséquences, et en cet instant, les résultats en sont ces coups de soleil un peu partout sur son corps et son nez si rouge qu’il peut faire concurrence aux homards du coin. Enfin, ce n’est pas grave, se dit-il ; un peu de Biafine en rentrant et il n’y paraîtra plus.
Il se redresse en position assise et s’apprête à se relever pour partir, lorsque son œil est attiré par quelque chose de brillant sur l’eau du lagon, droit devant lui. Il plisse les yeux pour mieux voir de quoi il s’agit : un point lumineux qui scintille comme un joyau. La lumière diffusée est très intense, mais non aveuglante. Ariel affûte encore son regard. Sa vision est maintenant concentrée sur ce halo étrange au centre duquel il lui semble apercevoir… Oh non… non…dîtes-moi que ce n’est pas lui… pas déjà…non… ne me ramène pas déjà…s’il te plaît…je viens seulement d’arriver. Laisse-moi m’amuser encore un peu. Ariel aiguise encore mieux sa vision. À présent, il distingue très nettement la scène au centre de la bulle lumineuse : un homme est assis devant son ordinateur, et cet homme c’est lui-même. Lui-même en train d’écrire le roman dans lequel il se trouve à présent. Aussitôt lui revient en mémoire l’incroyable expérience qu’il a vécue la veille, alors qu’il était en train d’écrire le quatrième chapitre de son roman. Il tapait depuis des heures, scotché à son clavier, impatient de découvrir la suite de l’histoire qu’il était lui-même en train de créer. Écrire un roman lui fait toujours cet effet-là. C’est presque comme s’il se dédoublait et que son autre lui dictait la suite de ses histoires. Il commençait à ressentir la fatigue, et ses yeux, à force de fixer l’écran, avaient fini par se voiler et le brûler. C’était au moment précis où il s’en était rendu compte que la chose s’était produite. Il y avait un signe inhabituel sur la page qu’il était en train d’écrire. Là, au beau milieu d’un paragraphe, entre les deux premières lignes. Une espèce de point-virgule… ou peut-être un point d’interrogation mélangé à un trois, ou… « mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Qu’est-ce que c’est que ce hiéroglyphe ? » Il était en train de scruter attentivement le signe, lorsque sous son regard ébahi, il l’avait vu grossir, grossir, jusqu’à laisser voir ce qu’il était réellement. Ariel avait écarquillé les yeux de surprise, puis, pour être bien sûr qu’il n’était pas en train de rêver, il avait fermé les yeux un instant en plissant fortement les paupières, qu’il avait ensuite frottées énergiquement avant de rouvrir les yeux. La chose était toujours là. Ou plutôt l’être. Car ce qui le regardait fixement dans les yeux tout en lui souriant gentiment et en lui tendant les deux bras, était un petit bonhomme tout habillé de noir qui l’invitait de manière télépathique à le rejoindre sur la page, entre les lignes de ce roman qu’il avait commencé quelques jours plus tôt. Et c’est ainsi qu’il s’était retrouvé malgré lui, sans qu’il puisse encore se l’expliquer aujourd’hui, sur la troisième page du quatrième chapitre de son roman. Tout autour d’eux des milliers de mots et toutes sortes de lettres isolées, des points, des virgules, des tirets, en train de danser. Peu à peu, une partie de certaines lettres avait commencé à disparaître dans un flou artistique, de sorte que peu après on ne distinguait plus que le romancier et son double en train de s’échanger des regards. Quelques secondes plus tard, lorsque toutes les lettres de tous les mots de toutes les phrases avaient été effacées de la page, Ariel s’était retrouvé instantanément sur le siège confortable de son jet privé, en train de siroter ce délicieux nectar qu’il venait de décrire dans son roman.
CHAPITRE 3
Les bras ballants, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, Elda contemple le merveilleux paysage qui s’offre à son regard. Elle n’en revient pas. Quelques secondes auparavant, elle se trouvait chez elle en train de corriger les copies d’un devoir distribué la veille à ses élèves, et la voilà maintenant en cet endroit paradisiaque, plus fabuleux encore que tous ceux qu’elle a si souvent imaginés sur l’écran de ses désirs fous. À quelques mètres d’elle, une cascade déverse son eau cristalline sur une piscine naturelle entourée de fleurs sublimes : hibiscus, mystera, becs de perroquet, oiseaux de paradis et autres variétés tout aussi belles et éclatantes de couleurs. L’eau de la cascade émulsionne élégamment le long d’un rocher, éparpillant ses gouttelettes en gerbes d’étincelles. Des parfums merveilleux parviennent à ses narines palpitantes d’excitation. Elda ferme les yeux pour les humer plus intensément. Cette fois elle a fait fort. Aucun de ses voyages précédents n’a été aussi intense que celui qu’elle est en train de faire. Il lui semble qu’au fur et à mesure de ses « envols », les paysages sont de plus en plus beaux, et celui-ci est tout simplement sublime. Et encore, elle est loin du compte avec ce qualificatif ! Car aucun mot ne lui semble assez fort pour décrire ce qu’elle ressent.
Elle ne veut plus quitter cet endroit.
Jamais.
Mais si seulement elle pouvait choisir de tout quitter pour rester là, comment faire ?
Tout en se posant cette question, encore et encore, elle avance lentement, sans perdre une seule occasion d’admirer le paysage. Elle se fraye un passage entre de monumentales fougères, piquées çà et là de touches de couleurs apportées par des dizaines de variétés de fleurs. Je suis au paradis ici, ce n’est pas possible ! s’émerveille-t-elle. Arrivée tout près de la cascade, elle reste encore quelques secondes à admirer cette apparition édénique, avant de se déshabiller pour en goûter l’eau pure.
Température idéale. Ni trop chaude, ni trop froide. Pas d’hésitation à avoir. Aussitôt après avoir trempé ses orteils dans le bassin, elle avance franchement et y plonge aussitôt. Quelle merveille ! C’est vraiment délicieux ! se réjouit-elle en commençant à nager. Quand je pense qu’il y a à peine cinq minutes j’étais penchée sur mes cahiers, collée au radiateur à cause de ce froid glacial ! J’ai une chance inouïe d’être ici, quand même…je me demande comment ce sera la prochaine fois. Il est impossible que ce soit meilleur qu’aujourd’hui.
Il faut dire qu’au fur et à mesure de ses « voyages » improvisés, les contrées visitées sont de plus en plus belles. Mais celle-ci est vraiment incroyable. Elle correspond exactement à la vision que se fait Elda du paradis.
Une fois ressortie de l’eau et rhabillée, sans même avoir pris soin de sécher son corps de ses mains, elle décide de poursuivre son exploration des lieux. Elle aperçoit une étroite bande de mousse qui serpente entre les fougères. Une sorte de sentier naturel qui semble vouloir attirer le promeneur. Elle l’emprunte sans aucune hésitation, d’autant que ce côté du site est orné de dizaines de fleurs magnifiques. Pieds nus, ses chaussures à la main, elle suit le sentier sur une distance d’à peu près cinq cents mètres, ne sachant où poser son regard émerveillé, un sourire extasié éclairant son visage. Chaque parcelle de végétation est d’une beauté à couper le souffle. Elle est en train de boire à grande gorgée l’élixir envoûtant d’un Éden sans pareil, dans le parfum des fleurs et les cris envoûtants des oiseaux exotiques.
Au fur et à mesure de son avancée, la mousse commence à se raréfier, pour se transformer peu à peu en un sol plus sablonneux. Les fougères ont laissé la place à des joncs. Elle perçoit un nouveau son et en tendant l’oreille, comprend que ce qu’elle entend est le bruit caractéristique d’un clapotis de vagues. Avant même d’arriver au bout du chemin, elle devine alors qu’elle est en train de s’approcher de la mer. Encore quelques mètres, le temps de contourner un petit virage à travers les joncs et les roseaux, et elle le découvre : un lagon paradisiaque, dont la splendeur naturelle la laisse sans voix. Elle se trouve sur une petite dune et le lagon dort en contrebas, dans le bleu pur d’un ciel sans nuages, éclairé d’un soleil éclatant et bordé d’une plage de sable blanc. Immobile et silencieuse, elle reste là quelques secondes à contempler ce paysage sublime. Il lui semble que le temps est suspendu. Que le monde s’est arrêté de tourner. Que tout prend sens et le perd en même temps en cet instant. Il n’y a rien à faire, rien à dire. Juste à rester là et regarder, écouter, sentir… Être.
Elle avance encore, puis descend la dune. Ses jambes s’enfoncent dans un sable fin et brûlant. Elle se trouve maintenant hors du sentier. Sa vue n’étant plus gênée par les hautes tiges des joncs, elle a alors tout le loisir de contempler la totalité du lagon. Une merveille inégalée d’eau turquoise cernée de sable blanc bordé de palmiers et cocotiers. La plage de paradis. Celle dont tout homme rêve de fouler le pied un jour. La cerise sur le gâteau : totalement déserte. Le grand luxe. Elda s’estime être sûrement la plus chanceuse des femmes, de se trouver en cet endroit de rêve, tout en s’étonnant tout de même de n’y voir personne. Quel est donc ce lieu de la planète où l’on peut jouir à satiété d’une vue panoramique extraordinaire, puis se promener tranquillement dans la plus paisible des solitudes ?
Au moment même où elle se fait cette réflexion, elle aperçoit au loin une forme indistincte. Une ombre sombre sur le sable blanc. On dirait un corps allongé…Est-ce un animal ? Un être humain ? Elle avance un peu plus dans cette direction. Deux cents mètres plus loin, elle plisse les yeux pour mieux distinguer la silhouette en position horizontale. Ainsi donc, elle ne se trouve pas sur une île déserte… Arrivée à sa hauteur, elle peut constater qu’en effet il s’agit bien d’une personne et non d’un animal. Un homme, plus exactement. Complètement nu. Et qui semble profondément endormi. Ce qui n’est qu’une impression, va-t-elle constater très rapidement, car au moment même où elle s’apprête à faire volte-face, pressée de quitter cette situation embarrassante, l’homme se réveille, et son regard croise immédiatement le sien. Il se relève d’un bond, comme s’il venait d’être piqué par un insecte, et avant même que la jeune femme n’ait eu le temps d’émettre le moindre son, il éructe :
— Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites là ?
— Désolée, je ne voulais pas vous déranger…
— C’est une plage privée, ici. Comment êtes-vous arrivée là ?
Elda fronce les sourcils. Bizarre, cette question : « comment êtes-vous arrivée là ? » Quelle importance, la façon dont je suis arrivée ? Et surtout, que vais-je bien pouvoir lui répondre ? Que j’ai été téléportée ? Il a déjà l’air furibond, si je lui réponds ça, ce molosse est capable de me sauter à la gorge !
— Alors ? J’attends. Comment êtes-vous arrivée ici ? C’est une plage privée ici.
— Qu’est-ce que ça peut vous faire ? répond Elda, que le ton agressif de l’homme énerve d’emblée. Est-ce que je vous demande comment vous êtes arrivé ici, vous ?
— Il se trouve que moi je suis chez moi. Je peux donc aller et venir sur cette île comme bon me semble. C’est une plage privée, ici !
— Ah parce que nous sommes sur une île ?
Quelle idiote ! Mais qu’est-ce qui m’a pris de dire ça ?
— Vous vous moquez de moi, là ? Vous ne savez pas que vous êtes sur une île ?
— Si si… je ne voulais pas dire ça…vous pouvez vous rhabiller, s’il vous plaît ? lui demande-t-elle pour faire diversion.
— Non. Je suis chez moi, je peux me balader à poil si ça me chante. Cette plage n’est pas pu-bli-que ! Elle est pri-vée ! Est-ce que c’est clair ?
— Ah ça, pour être clair, c’est parfaitement clair ! Ça fait quatre fois que vous me le dites : c’est une plage pri-vée. J’ai bien compris, ne vous en faites pas.
L’homme se retourne prestement pour se saisir de ses vêtements posés sur le sable. Elda a à présent une vue imprenable sur ses fesses rouge écarlate de coups de soleil. Ce qui la fait sourire. Il enfile caleçon et bermuda en trois secondes, puis se retourne vers elle et revient à la charge :
— Tout ça ne me dit pas comment vous êtes arrivée ici.
C’est une véritable obsession ! Bon, je ne vais pas y échapper, il va bien falloir que je trouve un truc à dire. Si nous sommes sur une île, il doit bien y avoir un aéroport quelque part…
— En avion. Je suis venue en avion.
— Mauvaise réponse. Aucun avion ne peut atterrir ni décoller d’ici, à part le mien. D’une piste privée, sur une plage privée.
Ça recommence. Il aime bien ce mot : « privé ».
— Alors ? Vous allez me répondre, oui ou non ?
— Je suis arrivée en bateau, ment-elle. Je suis désolée, je ne savais pas que c’était une île pri-vée.
— Vous êtes venue en bateau… répète l’homme sur un ton suspicieux. Et où est-il votre bateau ? Si un bateau avait accosté sur cette île, je le saurai. Je l’aurais vu, surtout. C’est gros, un bateau. Nous sommes ici sur la seule plage qui puisse en accueillir un. Tout le reste de l’île est entouré de récifs.
— Là… par là… plus loin, répond-elle avec aplomb. C’est un tout petit bateau. Une barque, en fait. C’est pour ça que vous ne l’avez pas vue.
— Bon, ça suffit maintenant ! Arrêtez de me prendre pour un con ! Dites-moi quand et comment vous êtes arrivée là !
La situation devient critique, là, se dit Elda. Apparemment, il est réellement impossible que j’aie pu arriver en cet endroit par des voies normales…
— Qui êtes-vous, d’abord ? Comment vous appelez-vous ?
Ah, voilà une question à laquelle je peux répondre, se dit-elle, momentanément soulagée.
— Elda Deram.
Aussitôt qu’elle a répondu, l’homme se fige tout à coup et la fixe en silence avec de grands yeux ronds.
— Quoi ? Quel nom avez-vous dit ?
— Deram.
— Non, je voulais dire : quel prénom ?
— Elda, répond-elle d’un air surpris. Il est vraiment bizarre, ce type.
— Vous vous appelez Elda ?
— Oui, je m’appelle Elda. Vous y trouvez quelque chose à redire ? C’est interdit de s’appeler Elda sur votre île non pu-bli-que ?
— Elda est le nom que j’ai donné à mon île.
Elda reste plusieurs secondes sans voix, puis s’étonne :
— Non…c’est vrai ?
— Tout ce qu’il y a de plus vrai. Vous vous trouvez actuellement sur l’île Elda, précise-t-il d’un ton radouci et d’un air grandement étonné.
— Alors ça ! Elda sur Elda. Ce n’est pas banal !
— En effet, ce n’est pas banal, ce qui m’amène donc à vous poser encore une fois la question : comment êtes-vous arrivée ici ? Cette fois, il a un léger sourire en coin et l’œil pétillant de curiosité.
Gagner du temps, vite ! Pour trouver quelque chose de plausible à répondre, se dit-elle. Je ne peux tout de même pas lui dire la vérité ! Que je suis là par le seul effet de mon imagination et de mon désir d’évasion ! Au mieux il ne me croira pas, évidemment, au pire il me prendra pour une folle.
— Je vais vous le dire, mais d’abord, j’aimerais bien connaître votre prénom, moi aussi. Maintenant que vous connaissez le mien, lui répond-elle aimablement.
— Ariel. Je m’appelle Ariel Dumontier.
Elda retient un sourire. Ariel…vous m’en mettrez un baril. Normal de s’appeler Ariel pour quelqu’un qui aime passer des savons à ceux qui ont l’outrecuidance de fouler le sol de son île « pri-vée ».
L’homme au prénom d’une marque de lessive la regarde maintenant – ou plutôt la détaille de la tête au pied – avec un sourire enjôleur et un regard qui en dit long sur ses nouvelles intentions. Qu’est-ce qu’il me fait, là ? Il n’est quand même pas en train de me faire du charme !
— Alors, Mademoiselle Elda, quel bon vent vous amène sur mon île ? insiste-t-il une nouvelle fois, tout en plongeant allègrement dans son décolleté, lequel est pourtant tout à fait discret.
Eh bien oui ! Il est bel et bien en train de me faire du gringue ! Bon, là, la situation devient critique. Si seulement je pouvais m’évader immédiatement d’ici aussi vite que j’y suis arrivée !
À peine a-t-elle eu le temps d’émettre ce vœu qu’elle se sent soulever tout à coup dans les airs, en même temps que ses membres inférieurs, puis supérieurs, puis son corps tout entier, se désintègrent centimètre carré par centimètre carré, comme une bâtisse attaquée par les termites. À vitesse accélérée, bien entendu.
© 2020, Martine Plouvier-Vivien
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